Raymond Turpin
Raymond Turpin (1895-1988)
Médecin pédiatre — Généticien — Découvreur de la trisomie 21
Raymond Turpin est l’une des figures majeures de la génétique médicale française du XXᵉ siècle. Pédiatre, chercheur et professeur, il est le pionnier qui a posé les fondements scientifiques permettant l’identification de la trisomie 21, aboutissement confirmé quelques mois plus tard par son équipe (Lejeune, Gautier). Son œuvre a transformé la pédiatrie, la génétique humaine et la compréhension moderne des maladies chromosomiques.
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Origines et formation
Raymond Turpin naît le 5 novembre 1895 à Pontoise (Val-d’Oise).
Très tôt attiré par la médecine, il entreprend des études à la Faculté de médecine de Paris, interrompues par la Première Guerre mondiale.
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La Grande Guerre (1914-1918)
Mobilisé comme médecin auxiliaire, il sert au 9ᵉ régiment d’infanterie, puis dans les Forts de Verdun. En 1918, il est gravement intoxiqué par les gaz de combat.
Il reçoit la Croix de guerre 1914-1918 avec trois citations.
Cette expérience marque profondément son approche future de la clinique : sens du devoir, de la précision et du service.
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Reprise des études et ascension scientifique (1919-1929)
1920 : externe des hôpitaux de Paris
1921 : interne des hôpitaux
Aux côtés de Calmette et Guérin, il participe aux premiers travaux sur le BCG
Découvre et décrit les anomalies électromyographiques typiques de la tétanie de l’enfant, devenues un critère diagnostique fondamental
1925 : soutient sa thèse, récompensée par un prix de thèse
1929 : devient médecin des Hôpitaux de Paris
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L’intuition fondatrice : l’hypothèse chromosomique (1937)
Dès 1937, en étudiant les familles de plus de 100 enfants “mongoliens” (terme médical de l’époque), Turpin formule une hypothèse révolutionnaire :
> Le syndrome pourrait être dû à une anomalie chromosomique.
À l’époque, le nombre de chromosomes humains est encore mal connu (on en compte alors 48 au lieu de 46). Son hypothèse restera confidentielle pendant vingt ans… mais se révélera exacte.
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Professeur, clinicien et pionnier de la génétique médicale (1930-1956)
Durant cette période, Turpin joue un rôle structurant :
Professeur agrégé (1933-1947)
Enseignant les premiers cours de génétique médicale en France
Créateur et président de la Société française de génétique (fondée en 1947)
Mission scientifique au Canada (1934)
Multiples travaux sur le BCG, la tétanie, les caractères familiaux, la pédiatrie clinique
Promu officier de la Légion d’honneur en 1949
Il pose les bases méthodologiques qui permettront la naissance de la cytogénétique humaine.
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La découverte de la première anomalie chromosomique humaine (1958-1959)
Moment historique de la médecine mondiale
En 1956, le nombre exact de chromosomes humains — 46 — est enfin démontré par Tjio et Levan.
Turpin décide alors d’appliquer les nouvelles techniques de préparation chromosomique aux enfants atteints du syndrome qu’il étudie depuis trente ans.
Avec son équipe :
Jérôme Lejeune
Marthe Gautier
J. Lafourcade (confirmations ultérieures)
Turpin réalise le premier caryotype montrant 47 chromosomes chez un enfant atteint.
Publication : septembre 1958.
Puis en 1959, deux publications successives confirment la découverte : → La trisomie d’un petit chromosome acrocentrique, identifié ensuite comme le chromosome 21.
Le monde médical bascule : la trisomie 21 est identifiée, expliquant enfin une maladie génétique fréquente et mystérieuse.
Turpin est au cœur du dispositif scientifique et clinique qui a permis cette avancée.
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Autres découvertes scientifiques majeures
1959 : première translocation par fusion centrique humaine décrite
1961 : premier cas de gémellité monozygote hétérocaryote
Nombreuses observations ouvrant la voie à la cytogénétique moderne
Études dermatoglyphiques (empreintes génétiques familiales)
Il est également élu :
Membre de l’Académie nationale de médecine (1957)
Membre de l’Académie des sciences (1962)
Président de la Société de pédiatrie
Président de la Société de thérapeutique (1952)
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Dernières années et héritage
Raymond Turpin décède le 24 mai 1988 à Paris.
Il laisse une œuvre scientifique considérable :
pionnier mondial de la génétique clinique,
introducteur de la cytogénétique en France,
initiateur des grandes recherches menant à la découverte des anomalies chromosomiques,
formateur de générations de médecins et chercheurs,
figure majeure de l’humanisme médical.
Sa carrière a été guidée par
le service, la précision scientifique, l’attention au patient et la transmission.
Aujourd’hui, il est reconnu comme l’un des maîtres fondateurs de la génétique humaine moderne.