Thesaurus de la famille MASUREL
La famille Masurel plonge ses racines dans les Flandres, terre de drapiers, de commerçants et de juristes, où son nom apparaît dès le XVIᵉ siècle. Déjà, à Gand, certains de ses membres occupent des charges d’échevins, incarnant une vocation précoce au service civique. Leurs actions, inscrites dans le cadre des villes marchandes flamandes, traduisent une conception de la réussite non seulement individuelle mais collective.
En 1610, Barthélémy Masurel fonde à Lille le Mont de Piété, institution destinée à protéger les plus pauvres de l’usure. Ce geste, d’une grande portée sociale, révèle ce qui deviendra la marque du lignage : mettre l’économie et le commerce au service du Bien Commun. Un autre membre de la famille, Pierre Masurel, devient chanoine de Tournai au milieu du XVIIᵉ siècle, confirmant la dimension spirituelle et éducative du nom.
Au XVIIIᵉ siècle, Jean-Baptiste Masurel (1724-1793), négociant, consolide l’assise économique de la famille. Marié à Marie-Joseph Houzé, il insère sa descendance dans le vaste réseau des familles marchandes du Nord – Desrousseaux, Dervaux, Houzé, Prouvost. Ces alliances nourrissent une prospérité appelée à se déployer dans l’ère industrielle.
Le XIXᵉ siècle est celui de l’ascension éclatante. François-Joseph II Masurel-Dervaux (1797-1851), fondateur de Masurel et Fils, installe définitivement la famille dans le négoce lainier, ouvrant une ère de croissance et d’innovation. Son fils, François-Joseph III Masurel-Pollet (1826-1913), incarne le grand bourgeois du Nord : président du tribunal de commerce, administrateur de la Banque de France à Lille, négociant en laines, président de la Société de géographie. Homme d’ordre et d’ouverture, il donne à la famille une stature nationale.
Mais c’est surtout François IV Masurel-Jonglez (1855-1894) qui illustre l’esprit de patron chrétien et social. Fondateur de la firme François Masurel Frères, conseiller général du Nord, il instaure dans ses filatures des caisses de retraite, des allocations familiales, des systèmes d’épargne, bien avant leur généralisation. À sa mort prématurée, en 1894, Tourcoing s’arrête : ses funérailles deviennent un cortège populaire où se mêlent ouvriers et notables. François IV demeure comme la figure d’un patron protecteur, dont l’autorité se confond avec la justice et la sollicitude.
À la fin du XIXᵉ siècle, le nom Masurel est inséparable de l’essor textile du Nord. Alliés aux Wattinne, Cavrois, Prouvost, Motte, ils participent à la construction d’un tissu industriel puissant, mais aussi à l’édification d’églises, d’écoles et d’hospices. Leur réussite, loin d’être close sur elle-même, irrigue la cité.
Le XXᵉ siècle confirme cette vocation. Edmond Masurel-Baratte (1839-1919) fonde la Chambre de commerce de Tourcoing, organisant la représentation collective des industriels. Eugène Masurel-Wattinne (1838-1919), polytechnicien et mécène, s’illustre dans les arts et la vie intellectuelle, tout en soutenant les œuvres catholiques. Jacques Masurel-Lepoutre (1871-1928), industriel passionné de peinture, constitue une collection qui donnera naissance au Musée d’Art moderne de Lille Métropole : l’économie devient culture, le fruit du travail devient patrimoine commun.
Après les destructions de 1914-1918, Ernest-Émile Masurel (1885-1957) prend le relais, modernise les usines, relance le négoce, et poursuit la tradition sociale en veillant aux conditions de vie de ses ouvriers. La Seconde Guerre mondiale brise encore l’élan, mais la famille, tenace, participe à la reconstruction du Nord, fidèle à son rôle de bâtisseur.
Dans la seconde moitié du siècle, confrontés à la crise textile, les Masurel diversifient leurs activités. Certains s’orientent vers la banque, la distribution, la recherche. D’autres perpétuent le mécénat artistique et historique. Leur nom reste associé à la ténacité et à la capacité d’adaptation.
Au XXIᵉ siècle, François VIII Vincent Masurel incarne la continuité. Héritier d’une histoire pluriséculaire, il veille à préserver la mémoire des usines et des archives familiales, aujourd’hui transformées en lieux de culture et de mémoire, et accompagne les mutations économiques de son temps. L’aventure textile est devenue patrimoine, mais l’esprit demeure : unir réussite et service.
Ainsi, de Barthélémy fondateur du Mont de Piété à François VIII Vincent gardien de la mémoire, la lignée Masurel déroule une continuité exemplaire : celle d’une famille qui, génération après génération, a transformé ses réussites en biens partagés. Leur nom appartient non seulement à l’histoire industrielle du Nord, mais aussi à la grande histoire du Bien Commun, dont ils demeurent, depuis cinq siècles, des serviteurs infatigables.